L'or du diable

 

Andreas Eschbach, L'atalante, 2018, 464p., 14€ epub sans DRM



Un thriller esoterico-fantastique-SF, rien que ça.
Bancal ? Oui
Caricatural ? Oui
Linéaire ? Oui
Et pourtant je l'ai avalé d'une traite. Et désormais je suis le dignitaire des secrets les plus enfouis des alchimistes.
Seul la fin m'a terriblement déçu.

Présentation de l'éditeur :


Un livret qui relate des événements de la fin du XIIIe siècle et qui évoque une armure d’or forgée pour le chevalier Bruno von Hirschberg par la vertu de la pierre philosophale… fable ou réalité ?
Toujours est-il que d’occultes personnages poursuivent encore aujourd’hui la quête de la pierre disparue et que l’ordre très discret de la chevalerie Teutonique est lui-même impliqué.
Et voici, par un improbable concours de circonstances, qu’apparaît Hendrik Busske, modeste conseiller d’une société de placements financiers. Modeste, soit, mais non sans ambition. Gourou de la finance ? Et pourquoi pas ?
Mais faut-il convoiter l’or du diable ?

Au commencement, il y a la soif de l’or…
vient ensuite la soif de l’immortalité…
puis la soif d’aller plus loin encore…


Mon ressenti :



Un modeste conseiller financier tombe un jour sur un vieux manuscrit qui narre une aventure sur la pierre philosophale. Il est de suite assez sur de la véracité de l'écrit. Car rien ne semble lui réussir, il a pourtant une vie normale mais qui lui semble ordinaire, anodine. Ses conseils financiers comblent sa clientèle, mais s’avère infructueux pour lui. Cet or du vieux manuscrit ne serait il pas le déclic qu'il attendait, celui qui ferait de lui un homme respectable, envié?


Qui n'a pas entendu par les infos que tel ou tel magnat de l'industrie ou de la high tech investir des sommes considérables dans la recherche sur la vie éternelle. Que ce soit via la cryogénisation, la génétique, le transhumanisme, tous veulent dompter la mort. A quoi bon être beau, intelligent et riche si le moindre accident, maladie, ou vieillesse peut emporter tout cela d'un simple coup de baguette magique ?
C'est sur ce postulat que Andreas Eschbach fonde son intrigue. Une fable ésotérique sur la vacuité de l'existence. Il surfe aussi sur le concept de psychologie positive qui envahit magazine, livre, émission de télé et séminaire : et si la réussite (ou l'échec) était en vous ?

Crois en toi et tout deviendra possible.

L'auteur joue aussi sur le parallèle entre Alchimie et Physique, la connaissance du monde comme sens de la recherche. Il y réussit merveilleusement bien par moments, mais préfère par la suite prendre les sentiers du fantastique. Et toute la structure du récit vacille sur ses bases. J'aurais nettement préféré qu'il emprunte l'explication scientifique, il y avait tant à faire.

En outre, tout se déroule avec une facilité extrême, les protagonistes ne s'interrogent guère sur les événements et foncent tête baissée dans l'intrigue. La fin est digne du grand guignol, les retournements de situation étaient connu du lecteur depuis pas mal de pages et la morale reste sauve.
Malgré tout, une grande partie se dévore sans déplaisir, Andreas Eschbach est un conteur hors pair. Mais prière de laisser votre suspension d'incrédulité au vestiaire.


Une interview sur ActuSF

Quelques citations :




— Tu parles de biotechnologie. Est-ce à dire que tu es favorable au génie génétique ?
— Bien entendu. » Adalbert secoua la tête. « T’entendre parler ainsi me fait frémir d’horreur. Tu défends les mêmes positions irréfléchies et rétrogrades que les Églises, la gauche, les Verts et tous ceux qui croient que la nature est une aimable mère nourricière qui se montrera bonne avec nous pour peu qu’on soit gentil avec elle. Ceux qui voudraient garder pour toute l’éternité le monde tel que le hasard l’a fait aujourd’hui. Mais la nature n’est pas une déesse aimante, c’est seulement la nature et, pendant ce temps, l’évolution se poursuit inexorablement. Le but, c’est de la maîtriser.
— Et tu ne penses pas que, si l’humanité s’y emploie, on est sûrs d’aller dans le mur ? C’est quand même d’une arrogance folle.
— Les erreurs sont inévitables quand on s’engage en terrain inconnu, c’est vrai. Mais nous avons la capacité à en tirer les enseignements et à nous engager sur de nouvelles voies aussi souvent que nécessaire, jusqu’à trouver la bonne. Ne va surtout pas croire que la nature ne se trompe jamais ; seulement, quand ça se produit, elle s’en fiche éperdument. Un volcan entre en éruption et fait disparaître quelques centaines d’espèces. Et alors ? Alors rien, d’autres viendront les remplacer. 
 
Savez-vous ce que le fascisme, le communisme et le New Age ont en commun ?
— Hum, fit Hendrik, surpris. Ils auraient donc un point commun ?
— De toutes les idéologies qui se sont développées en marge de notre monde industrialisé, rationalisé, organisé à outrance, et de sa culture de masse, ce sont les plus populaires. Elles se fondent sur une même idée, une même utopie, et enseignent que la nature humaine peut se parfaire, que c’est le seul chemin vers l’éradication du mal : en étant aimables, bienveillants les uns avec les autres, en permettant à tous d’accéder au bien-être et aux bienfaits de systèmes de sécurité plus justes, en donnant à chacun le droit à l’estime de soi. Elles veulent nous faire croire que les ténèbres que nous voyons en ce monde et ressentons en nos cœurs ne sont qu’une illusion, un mirage qui disparaîtra si on s’y prend comme il faut. Il suffit de bien s’éduquer, de faire preuve d’empathie et de disposer de moyens financiers suffisants. Elles veulent nous faire croire que le mal n’existe pas. Et ça, ajouta-t-il en brandissant l’index, c’est un leurre. Un leurre dangereux. Un leurre comme le Malin en a l’apanage

si la création de Dieu était si parfaite, aurait-on besoin de le répéter sans cesse ?

Regardez le monde et voyez comme il s’est transformé au cours des deux dernières décennies : Internet, la téléphonie mobile, la mise en réseau globale de la planète… Nous avons vécu un saut quantique technologique aussi important, pour certains, que l’invention de l’écriture. Derrière tout cela, on trouve des gens qui sympathisent avec le transhumanisme quand ils n’y sont pas ouvertement affiliés. L’étude sur le génome et le développement du génie génétique sont aussi soutenus par de nombreux transhumanistes. Essayez de dépasser l’actualité et de voir l’image dans son ensemble. La science n’est plus poussée aujourd’hui, comme il y a quarante ans, par le désir de savoir, de mieux comprendre le monde, mais par celui de le changer et de le parfaire. C’est la soif de connaissance, si l’on fait abstraction de ceux que la politique gouvernait, qui nous a poussés à aller sur la Lune, à envoyer l’homme tel qu’il est sur notre satellite et à le faire revenir. Quel rôle joue encore la conquête spatiale de nos jours ? Elle n’est plus qu’une caricature de ce qu’elle était et nous ne poursuivons plus aujourd’hui que le but de modifier l’homme et le monde. La chirurgie esthétique n’a jamais eu autant de succès, les jeunes filles peuvent intenter un procès à leurs parents quand ils refusent de leur offrir une nouvelle poitrine, les enfants au comportement différent sont gérés à coups de médicaments. Optimiser ses performances, compter chaque jour ses pas, noter et piloter sa consommation quotidienne d’eau, de calories, de vitamines, tout cela est devenu une manie généralisée. Au fur et à mesure du changement climatique, de plus en plus de voix s’élèvent pour demander, là aussi, l’intervention de la technologie. Le terme inventé pour cette discipline est la géo-ingénierie. Tout doit être piloté, planifié, soumis à la volonté humaine ; en un mot, tout doit être parfait.
— J’ai du mal à reconnaître une machination démoniaque dans le fait de pouvoir réserver et payer un billet de train à partir de mon téléphone.
— Je ne dis pas que tout ce qui ressort de ce mouvement est mauvais, ne vous méprenez pas. Les alchimistes ont eux aussi fait œuvre utile parfois.
— Comme Friedrich Böttiger, qui a inventé la porcelaine en voulant fabriquer de l’or.
— Par exemple. Mais cela ne change rien à l’ambition sous-jacente. L’homme qui envoie sa promise chez le chirurgien esthétique avant le mariage la rend peut-être plus belle. Mais le fait est qu’il ne l’aime pas.
— Vous a-t-on déjà dit que vous étiez technophobe ?
— Je m’entretiens rarement avec des gens que cette idée pourrait effleurer, mais, puisque vous le faites, dites-moi si pointer du doigt les domaines où la technique nuit vraiment à l’homme est si technophobe que cela. Quand elle est là pour le gouverner, le réduire en esclavage, le priver de sa volonté, restreindre son habitat et détourner ses impulsions naturelles par des succédanés.

15 commentaires:

  1. À garder pour une période de cerveau surchargé et fatigué donc. ^^

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  2. Là, tu m'as complètement refroidi. Depuis le début d'année, j'ai eu ma dose de livres sympas à lire mais qui ne cassaient pas 5 pattes à un lémurien... J'aspire à de belles lectures qui m'enchantent vraiment.
    Donc je vais passer mon tour sur ce coup là, même si en général je suis fan d'Eschbach !

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    1. Les dernières sorties ne nous conviennent guère, rarement d'émerveillement. Tu peux passer sans problème.

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    2. Un poil d'émerveillement m'a touché en lisant la novella de Laurent Kloetzer : Issa Elohim. Poétique et intelligent !
      Sinon rien de transcendant pour ce début d'année 2018...

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    3. Je ne suis pas très chaud pour le Kloetzer, pas sûr que cela corresponde à ce que j'aime lire.
      Pour le reste, on va réviser nos classiques, peut-être quelques pépites s'y cachent...

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  3. Oh! Là, tu me refroidi. Je m'attendais à quelque chose de plus abouti. Bon, je note que cela reste une lecture sympathique pour aérer le cerveau.
    Merci

    Pour moi, ce ne sont forcément les sorties, ce so,nt les lectures qui ma plaisent bien! ;-)

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    1. Pour les sorties, c'est juste une deception devant des livres dont on attendait bien mieux.
      Comme le cas présent où c'est agréable à lire mais ne casse pas deux pattes à un canard.

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  4. Arf, c'est dommage pour les facilités. Mais je note tout de même que tu ne déconseilles pas ce roman. :)
    J'ai fini il y a peu "L'affaire Jésus" et pendant ma lecture, j'avais envie de découvrir plein d'autres livres d'Eschbach. Y en a-t-il parmi ceux que tu as lu que tu déconseillerais, qui pourraient faire baisser mon estime pour ce cher Andreas ?

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    1. Je précise mon commentaire, dont la formulation peut induire en erreur : "j'avais envie de découvrir plein d'autres livres" = ma lecture a ravivé mon envie de lire du Eschbach.
      (En effet, comme tu t'en souviens peut-être, il fait déjà partie de mes chouchous.)

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    2. Tu me poses une colle. Déjà, si on enlève ce qu'il a fait en littérature jeunesse, il ne reste pas beaucoup de livres. Pour ma part, de ce que je me rappelle même après quelques années-décennies : Des milliards de tapis de cheveux; Le dernier de son espèce, et je dyptique L'affaire Jésus et Jesus vidéo.
      Le reste se lit sans mal, mais il manque parfois le petit truc qui rend le livre inoubliable. Comme L'or du diable ! Rien de rédhibitoire, mais connaissant l'auteur, on sait qu'il peut nous pondre de grands livres.
      Andreas est comme mon Robert, une SF qui se centre sur l'individu pour parler de la multitude. La SF que j'aime.

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    3. Ok. J'avais déjà l'intention de zapper ses romans jeunesses, et les seuls que j'ai déjà lus sont ceux que tu cites, du coup je ne suis pas vraiment avancée ^^.
      Je vais donc piocher au gré de mes envies dans le reste de son œuvre ("Kwest" et "Panne sèche" ont l'air pas trop mal).
      Le seul problème, c'est qu'a priori ce ne sera pas aussi super-chouette que mes lectures précédentes du monsieur, snif.

      Merci de ta réponse, en tout cas :)

      (Bonne soirée / nuit / journée !)

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    4. Pas super chouette, mais agréable tout de même.
      Gute Lektüre

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  5. J'avais adoré Des milliards de tapis de cheveux, mais je ne crois pas que celui-ci soit pour moi. Merci de ton avis.

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    1. Il est dans un autre style que Des milliards de tapis de cheveux et bien en dessous niveau qualité. Peut être la prochaine parution de l'auteur

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