La controverse de Zara XXIII


John Scalzi, L'atalante, 2018 (parution originale 2011), 320 p., 11€ epub sans DRM



Vous adorez les chats, les lol cats, mais le genre humain vous désespère. Alors jetez vous sur ce Scalzi.

Présentation de l'éditeur :


Prospecteur indépendant sur une des planètes minières de la toute-puissante compagnie Zarathoustra, Jack Holloway découvre un filon d’innombrables pierres précieuses dont une seule suffira à le mettre quelque temps à l’abri du besoin… si les avocats de son client ne trouvent pas le moyen de l’en déposséder.
Le même jour l’alarme de son domicile se déclenche. On s’est introduit chez lui. S’agit-il d’un cambrioleur ? Non ! L’intrus se révèle être une adorable boule de poils d’une espièglerie confondante. Mais sans doute ne vit-elle pas seule sur cette planète…
Bientôt, les cadres de la compagnie s’avisent du problème : si le petit peuple à fourrure de Zara XXIII est doué de raison, c’en sera fini de l’exploitation de son sous-sol par une entreprise étrangère. À leurs yeux, la solution est simple : tout faire pour que ne soit pas reconnue cette intelligence.
Ainsi débute La controverse de Zara XXIII.

Mon ressenti :

Le "nouveau" Scalzi est vieux de sept ans, de quoi s'interroger sur la valeur du texte en question. Et bien non, la question est plutôt de savoir pourquoi L'Atalante a attendu tout ce temps pour nous l'offrir ? Drôle, réjouissant, intelligent, plein de verve et de répondant, un excellent moment de lecture.

La compagnie minière Zarathoustra est active sur plusieurs exoplanètes. Les produits bruts sont devenus extrêmement rares sur Terre, alors autant piller les autres planètes. Sale boulot délégué a des prospecteurs dont on pourra toujours rejeter sur eux une quelconque faute et les jeter comme des malotrus. Avec en outre ce foutu respect de la biodiversité qui est devenu obligatoire même sur les autres planètes, mais heureusement les directives sont assez floues et les déductions fiscales bien réelles.
Jack Holloway est un de ses free lance et le respect du règlement n'est pas inscrit dans ses gènes, pour preuve, il délègue allégrement les explosions à son chien ! C'est de cette manière qu'il tombe sur un filon de pierres précieuses, sa poule aux yeux d'or. Mais la découverte d'un pseudo chat savant risque de tout remettre en question.

Ces petites bestioles ressemblant a de gros chats bipèdes, intelligents et tout mignons. Ils sont parfaits : ils dorment dans le lit en donnant des courbatures à son propriétaire, ils le regardent avec plein de mignontitude pour parvenir à leurs fins et ils ont réussi à asservir le chien. Et ils sont toudous, d'où le nom qu'il leur est assigné. Mais sont-ils des êtres doués de raisons ?

Alors, à l'analyse, c'est bourré de défauts : une planète où l'on respire comme sur Terre, des toudous dont nous serons pas grand chose, les ficelles sont grosses et tout se déroule comme sur des roulettes.
Mais tout cela n'est rien face au plaisir de lecture, et l'auteur construit son intrigue en jetant aux lecteurs les différentes pièces de son puzzle qui s'imbriqueront parfaitement pour le final en feu d'artifice. C'est assez punk au final, comme le nom de la planète à la fin du roman. Et l'air de rien, on réfléchit à pas mal de concepts : la mainmise des grosses compagnies sur la société, la corruption, la justice, l'écologie, l'altérité et l'éthique. 
Le personnage principal est aussi bien brossé, d'un tchatcheur invétéré nonchalant, Jack Holloway finira bien plus ambigüe qu'il ne l’apparaissait au départ. Un Jack Sparrow sans le eye-liner, un Miles Vorkosigan sans nanisme mais flamboyant, un Nicholas van Rijn sans bedaine mais tout aussi égocentrique, ne se refusant aucun stratagème pour parvenir à ses fins.

Arrivé à la moitié du roman, changement de lieu pour les prétoires de Justice. mais le rythme ne faiblit pas, la gouaille est toujours présente, la controverse du titre prend son sens, mais ne vous attendait pas à une qui ressemblerait à l'historique Valladolid, le but est de divertir, et celui ci est atteint grâce à de nombreux rebondissements plus incertains les uns que les autres.

Le livre s'ouvre sur une note de l'auteur rendant à César ce qui est à César :
La Controverse de Zara XXIII se veut une refonte de l’histoire et des péripéties décrites dans Les Hommes de poche, le roman de H. Beam Piper publié en 1962 et finaliste du prix Hugo. Plus précisément, La Controverse de Zara XXIII s’approprie l’intrigue générale des Hommes de poche, de même que certains noms de personnages et ressorts narratifs tout en les associant à de nouveaux éléments, protagonistes et rebondissements. Voyons-y un reboot de l’univers de Piper, un « redémarrage » dans la veine de celui opéré par J. J. Abrams autour de la série de films consacrés à Star Trek (avec, espérons-le, un plus grand souci de la science). 


Au final, La controverse de Zara XXIII est une fable utopique punk, un miroir grossissant de notre société et de nos défauts et surtout un vibrant plaidoyer légèrement anar : Et si ?
Bref, je l'ai dévoré, j'ai adoré, et j'en redemande.

Pour Les lectures du Maki, c'est un roman de pur plaisir, une histoire simple bien racontée, une histoire qui nous fait voyager et réfléchir tout en nous faisant sourire.
Une réflexion sur l’Autre, drôle et efficace, selon Espace d'un temps
Un très chouette roman, très agréable à lire, surprenant et haletant nous dit Artemus dada


Et hop, une petite interview de l'auteur sur ActuSF


Quelques citations :


Ils s’en tireraient mieux s’ils n’étaient pas raisonnables, se dit Holloway. En effet, leur intelligence ne suffirait pas à garantir qu’elle soit reconnue. Trop de gens avaient intérêt à ce qu’il n’en soit rien. Il valait mieux être un singe incapable de comprendre de quoi on le spoliait plutôt qu’un homme qui ne s’en rendait que trop compte… mais se révélait impuissant à l’empêcher.

Chad, voilà ce que j’avais en tête quand je disais que tu es quelqu’un de bien. Permets-moi de le présenter ainsi : dans la vie, on perd ou on gagne. Mais, si tu échoues, cela ne veut pas dire que ton adversaire doit l’emporter. Tu me comprends ?

— Quelle opinion vous inspire M. Holloway ?
— Ai-je le droit de dire des grossièretés ?
— Non, intervint Soltan.
— Alors disons que nos relations sont tendues.
— Pour une raison particulière ? demanda Meyer.
— Combien de temps me donnez-vous ?
— Contentez-vous de nous résumer la situation.
— Il contourne les directives de l’ACPE et de la compagnie, il cherche tout le temps la petite bête, il joue les juristes en permanence, il m’ignore quand je lui dis qu’il n’a pas le droit de faire quelque chose et c’est globalement un sale type, répondit Bourne, le regard rivé sur Holloway.
— Aucune qualité ? demanda Meyer, quelque peu amusée.
— J’aime bien son chien.


12 commentaires:

  1. Et bien, ça donne envie !
    J'avoue que j'avais déjà lu d'autres avis très positifs sur ce livre et du coup ça ne fait que conforter mon envie de lire ^^

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    1. Tant mieux que cela te donne envie, j'ai pris un réel plaisir avec ce roman. Scalzi ne se prend pas au sérieux, mais parle de questions sérieuses.

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  2. Je suis actuellement à 50% de réussite sur John Scalzi, mais avec seulement 2 lectures. Je note celui-là pour faire passer le pourcentage en "positif", tu m'as tenté ! ^^

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    1. Si tu aimes le second degré, tu devrais apprécier.
      Je te conseille aussi Les enfermés dans un autre registre, la balance passera du côté très positif.

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  3. Entre ta référence à Poul Anderson et Vorkosigan, tu te doutes que tu fais banco!
    J'avais déjà pour projet de le lire, c'est désormais une certitude.
    C'est marrant comme certains romans, malgré leur défaut contiennent le petit qulque chose pour nous faire vibrer. Alors que les défauts en question sont généralement relevés dans d'autres lectures.

    J'ai remarqué que l'humour bien dosé, un bon rythme et un perso attachant y faisait beaucoup, mais il y a autre chose d'indéfinissable.

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    1. Je me doutais bien que cela allait t'interpeler, ne pas oublier tout de même que c'est un peu plus léger que les références citées.
      Comme je te l'ai déjà dit, avec les mêmes ingrédients, on peut faire de la cuisine de mémé, ou de la cuisine de chef !
      Comme Scalzi ne se prend pas au sérieux, les défauts rentrent dans le cadre de l'humour et de la satire, mais dans un livre univers, la moindre incartade fait ruer le lecteur. Et comme tu dis, il y a l'élément indéfinissable, peut être le signe d'un bon écrivain.

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  4. Les défauts que tu soulignes ne me dérangent pas si c'est drôle, bien écrit et pertinent sur le fond. Ça a l'air d'être le cas, alors je dis oui ! Il passe dans ma liste de souhait. Première étape de la procédure vers la lecture :D

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  5. Nous avons des lectures communes ces temps-ci... je le commence ce soir ou demain !
    Je lirais ton avis, un peu plus tard pour ne pas être influencé. ;-)

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    1. Pas de soucis, j'ai remarqué que tu avais déjà beaucoup apprécié la première partie.

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  6. Réponses
    1. Génial, il est à noter dans les annales celui là, et il a gagné le droit de ne pas être supprimé.

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