Demain les chiens

 

Clifford D. Simak, 1952, J'ai lu, 352 p., 7€ epub sans DRM


Bienvenu dans un futur où l'homme a enfin arrêté de maltraiter la nature, de tuer ses semblables et d'éradiquer toutes formes de vie "inférieures".
Comment est ce possible ? En faisant disparaitre l'humanité pardi !


Présentation de l'éditeur :

Les hommes ont disparu depuis si longtemps de la surface de la Terre que la civilisation canine, qui les a remplacés, peine à se les rappeler. Ont-ils véritablement existé ou ne sont-ils qu’une invention des conteurs, une belle histoire que les chiens se racontent à la veillée pour chasser les ténèbres qui menacent d’engloutir leur propre culture ?

 

Mon ressenti :


Demain les chiens n'est pas un roman. Publié initialement en nouvelles dans la revue Astounding Science Fiction de 1944 à 1951. En 1952, l'ensemble des nouvelles est publié dans un livre et y est ajouté une note avant chaque nouvelle reliant l'ensemble en un fix up.
Pour compliquer la chose, en 1973 est publié une nouvelle Epilog qui vient "finaliser" le tout. Les éditions américaines intègrent cette nouvelle dans le roman, mais l'éditeur français, avare à mon avis, préfère agir comme si de rien n'était et attend 2013 pour intégrer cette dernière nouvelle et offrir une nouvelle traduction de l'ensemble. (La nouvelle a cependant été publié en 1981 dans le recueil Des souris et des robots, publié aux éditions Lattès.)
Aujourd'hui, il faut entre 5 et 10 mois pour aller sur Mars, mais traduire et intégrer un texte d'une dizaine de pages aura pris 40 ans !
J'ai donc acquis la dernière édition en date, intégrant le neuvième conte ainsi qu'en annexe un avant-propos de l'auteur ainsi qu'une préface de Robert Silverberg qui revient sur l’édition de ce livre. (passons sur le fait que l'avant propos devienne un dernier propos et la préface une postface)

Le livre débute par une préface de l'éditeur imaginaire qui a publié ce livre dans ce futur où l'homme est une légende qu'on raconte le soir aux chiots. Comment en est-on arrivé là ? A travers huit contes, on comprend peu à peu le pourquoi de cette disparition.

Il sera donc question ici de l'Homme, du Chien et du Robot, dont le fameux Jenkins, robot qui ressemble plus à un androïde. Sur environ douze mille ans, nous allons suivre la famille Webster qui jouera un rôle crucial dans cet apocalypse humaine.
Ce qui change du tout venant post apo est que le monde n'est pas ici meurtri, défiguré par des guerres et des luttes de clans. Une apocalypse presque sereine, celle de l'extinction d'une race et de l'arrivée d'une autre.
La construction en fix up permet d'aborder de nombreuses thématiques (violence, religion, évolution, robotisation, aliens, les mondes parallèles, la vie en société et l'individualisme, ...) qu'il aurait été difficile de faire cohabiter dans un roman. Comme le récite est étalé sur un temps long, cela donne un récit plausible, à défaut d'être réaliste. Mais tout cela n'est peut être que mythe, peu importe dès lors la réalisme des histoires.
Chaque nouvelle est introduite d'une note critique sur la légende à venir. Les hypothèses passent de la symbolique à l'histoire, en passant par le déni de l'existence en des temps anciens de l'Homme. Ce sont ces notes que j'ai le plus apprécié car elles permettent de s'interroger sur nos propres mythes fondateurs. En outre, le point de vue est celui des chiens, le regard autre permet aussi un renversement du point de vue anthropomorphe très intéressant.

J'ai beaucoup aimé les textes sur la ville et le "retour aux sources", ceux sur l'utopie jupitérienne. Par contre, j'ai eu plus de mal avec ceux sur les mondes parallèles.
L'épilogue ajouté 20 ans plus tard n'était à mon sens pas nécessaire. Il rompt en outre avec le style mythique des autres textes. La fin initiale était ouverte, l'auteur précise seulement quelques éléments. Dans son avant-propos, il doutait encore quelques années après de la nécessité de ce rajout.
Un moment de lecture qui aurait du être agréable mais ...

J'ai eu beaucoup de mal avec la nouvelle traduction qui a ralenti grandement ma lecture de ce roman et de mon immersion dans ce futur canin. Au delà d'une musicalité que j'ai trouvé absente, j'ai souvent du revenir en arrière pour comprendre ce qui était écrit. Certains paragraphes m'ont semblé pour tout dire confus. En cours de route, j'ai préféré me rabattre sur l'ancienne traduction
J'ai été assez étonné de voir que le traducteur est Pierre Paul Durastanti. Ayant lu quelques traductions à son actif, c'est la première fois que je bute sur son travail. A qui la faute, au traducteur, à l'éditeur, au manque de temps ou d'argent mis sur la table, je ne serais dire. Ou plus prosaïquement la cause est à chercher du côté de ma personne. En l'état, je ne peux que vous conseiller de vous procurer d'occasion l'ancienne version traduite par Jean Rosenthal. Il vous manquera l'épilogue et les annexes cependant, un petit plus bienvenu dans cette nouvelle édition.

Pour comprendre un peu mieux, j'ai même téléchargé le texte original pour comparer qui avait raison. Je vous laisse juger sur pièces.

Exemple 1
Le langage y est fort déroutant. Depuis des siècles, des expressions tel le classique « plutôt fort de café » laissent les sémanticiens perplexes. Aujourd’hui encore, on n’a guère plus de pistes sur le sens de nombreux termes qu’à l’époque où les premiers chercheurs ont entrepris leurs études.
Nouvelle traduction

La langue même est particulièrement déroutante. Des locutions comme « satané gosse » ont intrigué les sémanticiens depuis bien des siècles et le problème n’est pas plus près de sa solution aujourd’hui qu’il ne l’était quand les savants ont commencé à s’intéresser à la légende.
Ancienne traduction

The language of the tale is particularly baffling. Phrases such as the classic "dadburn the kid" have puzzled semanticists for many centuries and there is today no closer approach to what many of the words and phrases mean than there was when students first came to pay some serious attention to the legend.
Texte original


Exemple 2


Le soleil crissa sous ses semelles tandis qu’il s’avançait en clignant des yeux pour s’accoutumer à l’éclat aveuglant du soleil.
Nouvelle traduction (Il faut en outre remplacer le premier soleil par sable !)

Il s’avança et le sable crissa sous ses pieds.
Ancienne traduction

Sand gritted underneath his feet as he walked forward, eyes adjusting themselves to the blaze of sunlight.
Texte original

AC de Haenne a trouvé, lui, la nouvelle traduction impeccable.



Quelques citations :

L’être humain nécessitait l’approbation de ses semblables au sein d’un compagnonnage. Il éprouvait le besoin presque physiologique de voir validés ses pensées et ses actes. Cette adhésion, qui l’empêchait de prendre des tangentes asociales, garantissait la sécurité et la solidarité ; elle assurait ainsi le fonctionnement harmonieux de la famille humaine.
Pour l’obtenir, des hommes mouraient, ils en sacrifiaient d’autres, ils menaient des vies qu’ils détestaient. Ou ils se retrouvaient seuls, exilés, tels des animaux expulsés de la meute.
Tout ça entraînait des conséquences épouvantables, bien sûr : l’instinct de la foule, la persécution raciale, les atrocités au nom du patriotisme ou de la religion. Mais, dans le même temps, cet instinct assurait la stabilité de la race ; depuis le commencement, il rendait possible l’existence d’une société humaine.

S’il faut en croire la légende, il a quitté les grottes un million d’années plus tôt. Pourtant, c’est à peine cent ans avant le premier récit qu’il parvient à éliminer le meurtre en tant qu’élément de son mode de vie. Voici donc la mesure véritable de sa sauvagerie : au bout d’un million d’années, il s’est débarrassé de sa tendance homicide et considère cela comme une grande réussite.

Dans ces contes, j’évoquais l’obsession de l’homme pour la société mécaniste. D’autres écrivains, et moi parmi eux, en parlent encore de nos jours, même s’ils la désignent sous le nom de société technologique. La technologie n’a rien de problématique en soi ; le problème, c’est l’obsession qu’elle nous inspire. Nous avons déifié nos machines ; de bien des façons, nous leur avons vendu nos âmes. Du temps où je rédigeaisDemain les chiens, il me semblait qu’il y avait des valeurs différentes, des valeurs supérieures à celles que nous trouvons dans la technologie, et je n’ai pas changé d’avis. De nos jours, certains condamnent les machines à cause des ressources irremplaçables qu’elles consomment, mais, pour l’essentiel, le péril est ailleurs. Ce qui m’inquiète par-dessus tout, c’est la déshumanisation de notre société et de notre point de vue.
Avant-propos de l’auteur

un fascinant cocktail qui mêlait les robots, l’immortalité, l’exploration des autres planètes du système solaire et la mystique des univers parallèles, le tout découlant sans effort d’une unique prémisse, la décentralisation de la civilisation urbaine.
Préface de Robert Silverberg

« J’ai écrit cette série par dégoût envers les massacres et pour protester contre la guerre, devait déclarer l’auteur, bien des années plus tard. J’y ai aussi, en quelque sorte, réalisé un vœu. Je souhaitais créer le monde tel qu’il aurait, à mon avis, dû être, pétri de la gentillesse, de la douceur et du courage que je croyais nécessaires ici-bas. C’était une série nostalgique parce que j’éprouvais de la nostalgie pour le passé que nous avions perdu, et le futur que nous venions de perdre… J’ai fait des robots et des chiens les gens avec lesquels j’aurais aimé vivre. Tout est là : il devait s’agir de robots et de chiens, puisque les humains n’étaient pas cette sorte de gens. »
Préface de Robert Silverberg citant Simak



10 commentaires:

  1. J'avais pas vraiment accroché à ce qui est pourtant un classique... d'ailleurs c'est à peine si je me souviens des histoires !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Parfois on se demande pourquoi un livre est devenu un classique, si ce n'est pour des raisons historiques lors de la parution.

      Supprimer
  2. J'avais lu Au carrefour des étoiles de Simak que j'avais adoré et j'avais dans la foulé pris celui-ci, le classique qu'il fallait lire et je ne l'ai pas fini... je ne sais plus pourquoi mais je n'avais pas accroché !!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je tenterai un jour Au carrefour des étoiles, notamment pour faire le lien avec A travers temps

      Supprimer
  3. Je comptais le lire, mais du coup je ferais bien attention à la version que je prend ! Merci ! Étonnant ce problème de traduction, ça ne ressemble pas à son travail, effectivement. Mais bon je note. J'ai suffisamment donné avec Neuromancien.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je te conseillerai de lire l'ancienne traduction, mais les ressentis...

      Supprimer
  4. Je l'ai lu il y a bien longtemps et j'avais aimé, je comptais le relire à l'occasion (ancienne édition, du coup).

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oups, je remarque ton commentaire 4 ans plus tard !!!
      J'en profite alors : tu l'as relu ?

      Supprimer
  5. BARRET Jean-Daniel15 juillet 2021 à 01:48

    Une petite faute désagréable (et qui malheureusement se répand) :
    Vous avez écrit : "Nouvelle traduction (Il faut en outre remplacé le premier soleil par sable".
    Il faudrait : "Nouvelle traduction (Il faut en outre remplacER le premier soleil par sable".
    Dois-je donner le conseil habituel ? : Dans l'incertitude, essayer un verbe d'un autre groupe :
    "Il faut en outre [confondre, résoudre, etc.] le premier soleil par sable " (confondu ? résolu ?... Non, ça ne va pas.
    Cordialement.
    Jean-Daniel Barret

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Une erreur inadmissible.
      J'ai deux excuses cependant (qui n'excuse en rien) : je suis nul en orthographe, grammaire et autre; et surtout, je prends rarement le temps de me relire.
      Je rectifie, merci

      Supprimer

Fourni par Blogger.